9.4.20 Une opportunité de changement
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La décision de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) de délivrer des bulletins de note pour toutes les années scolaires malgré la pandémie satisfait les deux associations de directeurs de la scolarité obligatoire de la Suisse alémanique VSLCH et de la Suisse latine CLACESO. Gérard Aymon, président de CLACESO et Jörg Berger de VLSCH expriment leurs inquiétudes et leurs espoirs dans cet échange.
Jörg Berger (J.B.): Gérard, j’étais vraiment satisfait de l’approche commune de la CDIP concernant la question des bulletins de note. Il s’agit vraiment d’une contribution importante à l’égalité des chances. Crois-tu également que cette décision coordonnée des politiciens de l’éducation soit non seulement juste, mais puisse aussi jouer un rôle pilote ?
Gérard Aymon (G.A.): Absolument ! Je préconise également que cette gestion de la solution adaptée (PER, lehrplan21 et piano di studio) se poursuive après l’ouverture des écoles. Une harmonisation est souhaitable dans les espaces linguistiques. Chez VSLCH, vous allez même plus loin dans les détails.
J.B.: Oui, une enquête récente auprès de nos 2200 membres montre que 75 % d’entre eux sont favorables à un système de bulletins de note uniforme pour toute la région linguistique. VSLCH souhaite que les directions cantonales de l’éducation de Suisse alémanique suivent l’exemple du canton de Berne, qui a remplacé les bulletins de note par des rapports d’évaluation avant même la crise du Corona.
G.A.: En Suisse romande et au Tessin, la question fait moins débat actuellement. Mais votre idée d’uniformisation des bulletins de note pour l’ensemble d’une région me paraît être une avancée dans la compréhension du système scolaire par tous les partenaires. Néanmoins il y aura passablement d’obstacles à franchir.
J.B.: De grandes idées surgissent dans des situations de crise. La crise du Corona nous enseigne de nouvelles formes d’apprentissage – et de nouvelles formes de collaboration. Peut-être aussi parmi les directeurs cantonaux et les directrices cantonales de l’éducation ? Le futurologue Matthias Horx présente une méthode passionnante dans ce contexte. Avec cette technologie, vous regardez en arrière de l’avenir jusqu’à aujourd’hui. Avec le recul, des surprises nous attendent?
G.A.: Pour l’après « Corona Virus », l’école ne sera sans doute plus comme avant ! J’espère que le métier d’enseignant sera revalorisé. Il est certain que des progrès monumentaux auront été fait dans le domaine numérique en quelques semaines. J’espère que nous saurons tirer profit de ces compétences pour améliorer la communication avec les parents et une meilleure gestion des devoirs à domicile. Par ailleurs les collaborations à distance entre enseignants, directions, parents… peuvent être améliorées grâce aux outils numériques.
J.B.: Tu abordes un sujet important. C’est une question de solidarité. En Suisse alémanique aussi, nous ressentons beaucoup de reconnaissance et d’encouragement de la part des parents. Mais je veux dire «nouvelles formes de l’apprentissage» littéralement. Désormais, nous pratiquons de plus en plus l’enseignement traditionnel de manière numérique. C’est un peu comme si on mettait du vieux vin dans de nouvelles bouteilles. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de nous concentrer et de porter toute notre attention sur l’apprentissage lui-même. Nous voyons actuellement de merveilleux exemples de la façon dont on peut apprendre de manière interdisciplinaire, de la façon dont on peut combiner des tâches ouvertement formulées et une formation éprouvée. Comment les élèves peuvent progresser pas à pas dans leurs propres projets et découvrir leurs intérêts et leurs inclinations. Le groupe LinkedIn «Enseignement à distance» fournit de nombreux exemples de ce type. Existe-t-il un groupe similaire de directeurs et directrices d’école en Suisse romande, dans lequel les sujets pédagogiques sont abordés?
G.A.: Pour le moment rien de spécifique. Nous fonctionnons par affinité et par réseau. Durant cette première phase du confinement, les directions n’ont pas eu beaucoup de temps pour la réflexion. Toutes les écoles ne sont pas au même niveau avec le numérique et des écoles vivent tant bien que mal ce passage à l’école à distance. Dans un deuxième temps, le système va prendre plus de recul et un nouveau design de l’école devra avoir lieu, en discussion avec tous les partenaires.
J.B.: Ce changement de l’école exige une nouvelle compréhension des rôles. Nous sommes tous des apprenants. Les enseignants et enseignantes sont intensivement impliqués dans l’enseignement à distance en tant que conseillers et conseillères pédagogiques. Et nous, les directeurs et directrices d’école, sommes une fois de plus conscients que nous dirigeons l’école ensemble avec une équipe d’experts et d’expertes motivé-e-s. Niels Anderegg, directeur du Centre de Management et de Leadership de la HEP Zurich, a écrit un article qui mérite d’être lu sur le blog Schulführung et écrit dans un paragraphe : « Les directions d’école qui conçoivent, sont en plein milieu de l’action. Elles créent des conditions qui permettent aux enseignants et enseignantes d’être innovant-e-s, afin qu’ils puissent expérimenter de nouvelles formes d’enseignement. Elles sont également intéressées par les résultats obtenus. Non pas pour vérifier si les enseignants et les enseignantes ont fait leur travail, mais par intérêt et pour apprendre. C’est là que de nouvelles choses sont créées et l’école d’après la fermeture ne sera plus la même qu’avant ». Penses-tu la même chose, Gérard ?
G.A.: Il existe en fait plusieurs nouvelles formes qui font une plus grand place à l’éducation non-formelle. La créativité naît toujours du chaos, et c’est le cas actuellement. Il faut espérer que toutes les impulsions de la nouvelle pédagogie encourageront l’école à développer des innovations. Mais n’oublions pas non plus que de nombreux enseignants ne sont pas à l’aise, il faut les guider et les rassurer.