28.8.19 Le numérique : « Regards de directions d’établissements »
Face à la montée toujours plus grande des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazone) notre monde se pose des questions légitimes concernant l’impact du numérique et de ces sociétés sur notre quotidien. L’économie annonce des suppressions de postes par milliers, le paysage d’internet évolue de manière exponentielle, les modes de consommation changent très rapidement et l’éducation des enfants est jonchée d’outils et d’implications que nous ne maîtrisons que partiellement. Des robots sont en passe de réussir des examens d’entrée à l’université au Japon, la puissance d’un ordinateur équivaudra à 10 milliards de cerveaux humains dans 5 ans, des milliers d’emplois disparaîtront probablement. Malheureusement ce seront souvent les emplois des plus démunis. Comment réagir à cet élan incontrôlable du tourbillon numérique contre lequel il est difficile de lutter ? Et l’école, me direz-vous ? Quelle est sa position face au numérique ?
On entend aussi plusieurs discours contradictoires : pour certains le numérique est magnifique, il va solutionner une bonne partie de nos problèmes, il va dynamiser nos cours, capter l’attention de la génération Z. Pour d’autres, c’est un outil inutile qui pollue l’espace de l’enseignement de même que l’espace familial et n’apporte aucune plusvalue ! Pour d’autres encore, les ondes sont nocives, à éviter absolument et l’avènement de la 5G est une catastrophe.
Mais le tableau n’est pas si noir si l’on regarde les avancées effectuées ces dernières années en termes de communications et de liens sociaux favorisés par l’avènement d’outils (internet, smartphones, tablettes…) rendant l’accès au monde nettement plus facile. Le lieu de communication n’est plus le quartier ou le village, mais il est devenu le pays, le continent et même le monde. Une révolution économique est en route, avec des accès aux achats dans le monde entier et des moyens de paiement beaucoup plus faciles et plus rapides. Les technologies numériques peuvent présenter d’énormes possibilités pour améliorer les vies des gens dans le monde entier et faire une place grandissante à l’innovation.
Au quotidien d’un directeur, le numérique a certainement un double impact. Du côté positif, les informations sont beaucoup plus faciles à transmettre et les gestions d’élèves et de professeurs facilitées par des bases de données très performantes. Toute la gestion administrative s’en trouve optimisée et du temps économisé. Malheureusement, l’efficacité de ces outils a aussi ses travers et les informations de plus en plus rapides sollicitent également des réponses de plus en plus instantanées. La frénésie de la réponse rapide, efficace et solutionnant tous les problèmes s’installe. Quelle place alors pour la réflexion, la vue d’ensemble et la discussion pour résoudre des problèmes ? Le piège du numérique réside sans aucun doute dans l’instantanéité de nos réponses et le manque de recul dans certaines situations. Par ailleurs, les problèmes de surveillance et de sécurité du réseau demeurent également un sujet d’inquiétude dans la gestion des écoles.
Pour l’implémentation du numérique dans les établissements, la situation est très contrastée. Nombre d’écoles ont déjà pris un virage à 180° dans le numérique avec le soutien de leur municipalité et de nombreux investissements. A la clé des infrastructures performantes et une expérience scolaire très avancée avec des ordinateurs, TBI, tablettes et autres clouds. D’autres écoles sont encore sous-équipées pour des raisons qui leur sont propres et des enseignants ne trouvent pas de soutien dans ces nouvelles technologies. La clé du virage numérique n’est pas à chercher individuellement du côté de la direction, des enseignants, des épartements de l’instruction publique ou des municipalités, mais plutôt du côté de la mise en commun des ressources de chacune de ces entités, pour se mettre ensemble autour d’un projet. La volonté est là actuellement et un mouvement est en cours sur la question de la numérisation de l’école, mais ce virage ne se fera pas sans une communication efficace et une mise en évidence des plus-values apportées par ces nouveaux moyens. Par ailleurs, il faudra tenir compte des spécificités de chaque établissement avec ses forces et ses faiblesses. Le sujet est pour le moins vaste, mais les ressources sont présentes pour répondre à ce défi. La direction jouera bien évidemment son rôle de levier d’évolution pour planifier le développement du numérique et gérer le changement dans son établissement.
Du côté des élèves, les effets positifs en classe sont remarqués, pour autant que l’utilisation soit accompagnée et ciblée. Effectivement les tablettes, TBI et ordinateurs portables ont des aspects positifs indéniables sur l’apprentissage et des outils permettent la facilitation de certaines tâches complexes ou fastidieuses. N’oublions pas que la place de l’enseignant restera toujours centrale, mais les outils à sa disposition ont grandement évolué et les élèves doivent bénéficier de ces avancées. Il est important qu’ils comprennent le fonctionnement de ce monde numérisé et ses enjeux. Mais pour que cet apprentissage soit performant, cela nécessitera impérativement une mise à niveau des infrastructures, une formation des enseignants et des moyens pour engendrer une émulation positive et constructive. L’évolution est telle dans le numérique, que seule une collaboration continue entre enseignants permettra une amélioration constante du niveau recherché.
Agissons finalement avec confiance et pragmatisme et malgré tous les enjeux du numérique, n’oublions pas le droit des enfants à être des enfants, avec leurs joies, leurs peines et favorisons une communication bienveillante en mettant en évidence leur spontanéité et leur créativité.